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publié par benoît le 11/02/09
A Camp
- Colonia
Colonia

Tête pensante

Pimpante poupée pop blonde tôt convertie rock-star brune, la belle Nina Persson mène ses Cardigans depuis déjà quinze ans. L’escapade A Camp, lancée à mi-parcours avec le guitariste d’Atomic Swing Niclas Frisk, nous avait valu un album somptueux (voir chronique un peu plus bas sur cette même page) drapé dans la production soyeuse de Mark Linkous (Sparklehorse). C’est peu dire qu’on espérait un deuxième acte du projet jamais officiellement éteint, tandis que s’essoufflaient des Cardigans sur leur lancée mainstream.

Lit de camp

Depuis, Nina est redevenue blonde et le duo s’est fait trio, accueillant l’alter-ego conjugal de la chanteuse en la personne de Nathan Larson, compositeur américain de musiques de films, entre autres pour Dirty Pretty Things, mais aussi pour le très beau film suédois Om Gud vill ("si Dieu veut"), dans lequel Nina faisait une première expérience d’actrice en 2006. Egalement au générique du nouveau disque : Anna Ternheim aux choeurs, la délurée Joan as Policewoman (qui avait déjà participé au premier) au violon, et un certain James Iha, ex-guitariste virtuose chez d’éminentes citrouilles de Chicago. Le tout... n’est pas produit par Mark Linkous, qui se contente cette fois de jouer la slide guitar de The Weed Had Got There First en clôture de disque.

L’amour est plus fort que Jesus

« Who told you love is the Alpha & Omega ? / And that your heart will lead you to the only one ? / It’s a curse, it’s the hammer that will break you / It’s a poison hidden in a bonbon », entame la voix fruitée de Persson sur Stronger than Jesus, premier single en forme d’adage qu’elle a visiblement eu la chance de ne pas vérifier. « Travailler en couple n’est pas quelque chose que je peux réellement recommander, mais ça fonctionne pour nous. » expliquait-elle récemment à un quotidien suédois. « On ne cuisine pas ensemble, on ne part pas en vacances ensemble ; nous, on fait de la musique ensemble. C’est même comme ça que nous nous sommes rencontrés. C’est notre façon de nous découvrir et de nous supporter. »

Pop rococo

Des paroles noires désamorcées par la surprenante grandiloquence des arrangements : breaks de batterie étrangement appuyés, cuivres trop fringants, chœurs en canon et quelques réverbs périmées laissent perplexe. Jusqu’à ce que l’on découvre le clip de Stronger than Jesus, réalisé selon les canons des prémices du genre il y a trente ans, et l’on comprend que le trio nous mène en bateau. A Camp s’adonne en fait ici à un puissant exercice de style, passant sa pop dans un kaléidoscope aux mille motifs kitsch, au milieu desquels on croit voir la chanteuse nous faire un clin d’œil avant chaque refrain, nous chuchoter « c’est pour rire », cachée dans la chorale.

Ouf. On a eu peur. On a cru que c’était pour de vrai.

Canular

Quand on les a vu pour Noël reprendre Silent Night en suédois et en allemand, on préférait croire que la farce en resterait à cet inoffensif teasing de saison. Et puis il y eut leur prestation aux Grammis suédois, où le message était clair : accoutrée en paon, Nina continuait à jouer la carte du pastiche.

« Le premier album de A Camp était mon disque de country idéal, et je ne voulais pas refaire la même chose, ni parodier les Cardigans. En fait, ça m’a pris du temps de savoir ce que je voulais vraiment faire ». à en croire la chanteuse, l’inspiration lui vint après un safari en afrique du sud, début 2007. « J’y allais pour me vider la tête, mais la vue des lions m’a évoqué un empire démodé, la décadence des vieux royaumes. »

Fin de règne

Voilà donc Colonia, curieux objet pop archaïque et pompeux. « Si le premier album sentait à la fois le bois de fumage et la neige, celui-ci a un parfum d’électricité, de poudre à perruque et de laudanum », peut-on lire sur le site du groupe. « Un parfum très particulier : Eau de Colonia. » A vrai dire, ça sent aussi un peu le suicide commercial. Peu en effet auront la patience d’affronter l’écoeurant My america, l’inutile I signed the line, les chœurs ABBAesques tartinés sur l’épais riff de guitare de Here are many wild animals.

Mais derrière le carton-pâte, on trouve malgré tout quelques refrains contagieux. Ainsi The Crowning, lyrique et exquis comme un Divine Comedy, qui inaugure la cérémonie (« We’re gonna party like it’s 1699 ») et monte en escalier vers un premier single au charme suranné (Stronger than Jesus, donc). Et puis il y a surtout golden teeth and silver medals en duo avec le songwriter suédois Nicolai Dunger, sommet d’un disque qui reste malgré tout inférieur à son prédecesseur - les blagues les plus courtes étant décidément les meilleures.

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publié par le 11/02/09
Informations

Sortie : 2009
Label : Reveal Records / PIAS

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