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publié par Mélanie Fazi le 02/04/08
the kills
- midnight boom
midnight boom

griffe

C’est toujours avec le même plaisir immédiat qu’on aborde un album des Kills : dès les premières notes, on se retrouve en terrain familier, on reconnaît leur son brut et un peu sale, leur fabuleuse énergie. Ils n’ont rien inventé que d’autres n’aient fait avant eux, mais ils ont leur griffe. Et une vision quasi adolescente du rock qui parvient malgré tout à éviter la pose et les clichés, perceptible aussi bien dans leur son que dans leur choix de s’abriter derrière les pseudonymes de Hotel et VV. Ils font rimer régressif avec primitif et jouissif. Il y a dans cette assurance et cette candeur quelque chose qui force le respect.

aérobic

Midnight Boom, curieusement, ne surprend pas à la première écoute : on est encore dans la jubilation des retrouvailles. Tout au plus bloque-t-on sur certains morceaux, comme sur l’improbable rythmique d’aérobic de “Cheap and Cheerful”, en se disant que non, décidément, quelque chose d’aussi kitsch ne passera jamais. Et puis, au fil des écoutes, on s’amuse de cette drôle de petite chanson où VV, sur une cadence guillerette, exhorte à renoncer aux convenances et aux politesses pour laisser parler ses penchants les moins socialement avouables (« it’s alright to be mean »).

réaction

C’est progressivement que l’on prend conscience de ce qui distingue Midnight Boom de ses prédécesseurs. Keep on your mean side était un disque dur, brut et rentre-dedans. No Wow, trop sous-estimé, jouait davantage sur les ambiances et un aspect plus narratif, offrant une vague trame sur laquelle plaquer des histoires, tendance road-movie criminel - il contenait d’ailleurs une des rares chansons des Kills, “Rodeo Town”, ou l’émotion naissait des paroles, ou plutôt de la façon dont VV chantait certaines phrases en laissant sous-entendre tout un contexte (« if I’m so evil, why are you satisfied ? »). A l’écoute répétée de Midnight Boom, on se rappelle que Hotel se désolait récemment en interview de l’étiquette glauque et sombre qui colle à la musique du groupe. Ce dont on s’étonne d’ailleurs tant les disques des Kills sont associés pour nous à un sentiment de pure jubilation. Sans doute est-ce par réaction à cette image que le groupe a conçu Midnight Boom comme un album a la tonalité plus légère, plus dansante. Sur certains titres habillés de sons électroniques, on croirait presque entendre les paysages sonores du Broadcast de Tender Buttons : toujours à la limite du kitsch sans jamais y tomber.

Rasoir

Autre élément intéressant ici, dans les paroles cette fois : un jeu sur la répétition et la transe qu’elle induit. Peut-être pas une nouveauté chez les Kills, mais cette tendance se radicalise sur Midnight Boom. Il y a toujours eu quelque chose d’intrigant dans les paroles du groupe. Elles n’ont jamais été l’aspect le plus intéressant de leur musique et frôlent parfois le simplisme. Mais la voix de VV, toujours sur le fil du rasoir, ainsi qu’un sens indéniable de la formule leur assurent un impact particulier. Sur les albums précédents, exception faite de “Rodeo Town”, on se rappelle des phrases plutôt que des textes : « one eye in the sun, one in the night » sur le génial “Love is a deserter”, « the kid wants to cuss and fight in the basement » sur “Black Rooster”. Ici, on est bluffé par le minimalisme d’une chanson comme “What New York Used To Be”, l’un des temps forts de Midnight Boom, suite de variations autour d’une phrase répétée en boucle. L’effet repose sur deux fois rien mais fonctionne à la perfection.

Phrasé

Ailleurs, on croise des guitares à la Sonic Youth (“M.E.X.I.C.O.”), des phrasés proches du hip hop (“Alphabet Pony”, “URA fever”) qui renforcent le dynamisme de l’ensemble. On retrouve la capacité du groupe à créer des mélodies qui refusent de vous lâcher (“Last Days of Magic” s’impose d’emblée comme l’une de ses meilleures chansons). Comme ses prédécesseurs, l’album se conclut sur une note plus apaisée, ce “Goodnight, Bad Morning” où la voix de VV prend une nouvelle dimension : le groupe s’aventure assez rarement sur ce terrain, mais ces chansons-là n’en sont que plus frappantes. Au fil des écoutes, on s’attache à cet album dont on ne savait trop, au départ, que penser vraiment. On plonge, tout simplement. Il y a là quelque chose de physique, de viscéral, d’extrêmement basique : la musique des Kills, plus que jamais, s’apprécie en termes d’impact immédiat. Midnight Boom est l’album idéal pour les matins difficiles, plus énergisant que tous les shoots de caféine du monde. Il nous rappelle (si besoin était) pourquoi on prend un tel plaisir à écouter les Kills.

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publié par le 02/04/08