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publié par Mickaël Adamadorassy le 11/07/07
AaRON
- Artificial animals riding on neverland
Artificial animals riding on neverland

"Aaron - u-turn", hum encore du rap ricain... et avec un nom comme ça je voyais déjà le clip clinquant avec les blondes décolorées qui se déhanchent autour d’une sorte d’éphèbe exhibant pectoraux et chaînes en or. En gros voilà ce qui m’est passé par la tête en entendant parler de ce groupe. Et j’avoue, j’ai pas creusé malgré le buzz savamment organisé autour.

Et puis il y a eu ce film, "je vais bien, ne t’en fais pas", avec la sublissime Mélanie Laurent et U-turn devient Lili, une sorte d’hymne passé en boucle avec les images du film qui résonnent dans la tête. Et donc bien sûr j’avais donc un a priori plus que positif en lançant l’album, tout en me posant la question qu’on se pose toujours en écoutant un album qui possède déjà un tube incontournable : est-ce que le reste suit ?

Une sacrée voix

Eh bien ca commence pas trop mal, Endless song pose de suite l’identité d’AaRON, une base electro mais un piano omniprésent et surtout une voix masculine très accrocheuse, pas du tout dans le style aigus poussées à l’anglaise ou les graves du crooner même si on s’en rapprocherait plus dans la tranquilité, la nonchalance du placement. Un côté un peu "voix paresseuse au réveil" comme on en voit au trip-hop, c’est un peu agaçant sur le principe (ouais en fait on aimerait bien avoir ce genre de voix qui liquéfie une fille sur place) mais l’oreille elle adhère.

Ca aurait pu être agaçant mais ce timbre assez pur il peut devenir plus éraillé. Et c’est une des choses appréciables chez AaRon : le chanteur joue dans plusieurs registres, ne se contente pas toujours de la facilité, la voix se met en osmose avec les texte et n’hésite pas à prendre des risques à porter sa voix à la limite de la cassure, dans mister K. par exemple, à tenter des montées douloureuses, cf la belle reprise de Strange Fruits où il pousse sa voix dans les derniers retranchements.

"I used to be someone happy"

Cette phrase, le début du refrain d’endless song annonce dès le départ la couleur plutôt bleue des morceaux, il est ici question de ruptures, de cassures, de brisures. Différents stades d’une relation amoureuse, car à part war flag et strange fruits, qui parle de la pendaison des noirs, il n’est question que de ça.

Mais ce bleu, ces bleus à l’âme, ce n’est pas une couleur uniforme, c’est un camaieu. Différents stades dans la douleur. Bleu pale, La langueur torturante de l’attente et des incertitudes,quelque chose qui meurt sans qu’on y puisse rien (endless song, blow). Le bleu mauve. le poignard de la trahison (mister K). Bleu fauve quand au bout de la nuit tout s’apaise et on accepte les mensonges à défaut de mieux, l’erzatz, un bonhneur artificiel qui permet néanmoins d’y croire(Beautiful scar, Angel Dust, o-song). Le bleu azur,lumineux, pur, froid comme la rosée du matin, la tête qu’on sort de l’eau, un nouvel éveil (Lili, Angel Dust).

Et donc un peu part, il ya cette reprise un peu inattendue : Strange fruits, rendue célèbre par Billie Holliday (mais écrite par Abel Meeropol,faut le dire, vu que Billie se l’est appropriée dans son auto-biographie [cf wikipedia]). Une chanson qui parle donc la pendaison des noirs (le strange fruit c’est le corps d’un noir pendu à un arbre). L’interprétation d’Aaron est à l’image du texte, déchirante, la voix est poussée dans ses derniers retranchements

Rigide

Musicalement je ne vois qu’une chose à reprocher à Aaron : de ne pas réussir à se lâcher au niveau des instruments comme la voix est capable de le faire. Il y a une certaine rigidité, les motifs rythmiques restent les mêmes, les éléments harmoniques deviennent presque rythmiques, le jeu du piano ne varie guère en intensité, il semble même un peu coincé sur un certain vocabulaire, quelques plans redondants sur tout l’album.

Sans demander du lyrisme, le résultat déjà très bon aurait pu être encore meilleur si l’intensité de la voix était égalée, défiée par les instruments sur les montées.

En dehors de ces passages, là on ne peut qu’apprécier la richesse des sonorités, le mélange entre les basses électroniques bien lourdes et la délicatesse du piano acoustique, entre nappes artificielles et violoncelle bien réel.

Et c’est bien ce mélange qui donne sa pleine saveur aux réalisations du duo Aaron : quand ils se contentent de la voix et du piano, le résultat est moins intéressant (Last night thoughts qui clôture l’album)

Just buy the fuckin’ CD !

La conclusion à cet article va être simple : il est souvent de bon ton de critiquer les groupes français qui marchent, a fortiori dans notre petit milieu indé. Tout ça on l’envoie au diable et on boude pas son plaisir, même pour moi qui suis pas fan du style. Cet album est tout simplement très bon, Lili est partie pour marquer durablement, O-song laisse présager de performances live qui peuvent être tout à fait échevelées et capable de faire monter la transe, façon thom yorke sur le radiohead récent. Aaron compense une palette musicale dont on sent un tout petit peu les limites par la capacité à varier, décliner, mélanger ses formules : aussi bien capable de poser le tempo de le temps d’une ballade acoustique douloureuse comme mister K que de conjuguer roulements militaires et basses électroniques voluptueuses. Et même de s’essayer au français avec beaucoup de réussite. Et c’est là dessus que je vous laisse aller acheter le disque : "et mes rêves se brisent sur tes phalanges/ je t’aime trop fort mon ange". Oui la rime est un peu facile (de palmesque*, presque) alors imaginez à quel point la chanson doit être bien pour qu’on en oublie cette facilité....

[1] : "de palmesque" :adj., néologisme, se dit d’une rime facile proche du non-sens. Vient de "De Palma", auteur de l’anthologique "marcher dans le sable, se sentir coupable"

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publié par le 11/07/07
Derniers commentaires
terant - le 12/07/07 à 01:04
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c’est marrant, j’ai cherché pendant au moins une bonne minute si un film de brian de palma s’intitule "marcher dans le sable, se sentir coupable".
et puis j’ai capté la référence à gérald de palmas.
et soudain, tout fut plus clair, vive le grand air. (gérald si tu me lis, ça ferait un super single ça).