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publié par gab le 04/06/13
Bernard Lenoir
- L'inrockuptible
L'inrockuptible

Ah c’est malin ! Il radote pas assez comme ça avec sa « noisy-pop à gogo »1) papy Gab, il fallait que l’arrière-grand-oncle Lenoir sorte un double-album de ses meilleurs hits (d’accord, techniquement ce ne sont pas les siens mais ne chipotons pas s’il vous plait). Déjà qu’habituellement il ne lui en faut pas beaucoup pour en « remettre une couche »2 mais si en plus la compile démarre par l’emblématique "Sit down" de James, les chances sont grandes qu’il ne réponde plus de rien. D’ailleurs si on le laissait s’exprimer deux minutes, le Gab, il s’embarquerait sûrement dans une logorrhée dont il a le secret sur sa vie d’adolescent provincial à la grande époque (pré-internet) des cassettes audio (vous savez les machins rectangles avec des bandes magnétiques dedans). Vous n’êtes tout de même pas maso à ce point-là ? Si ? Bon, vous l’aurez voulu.

armes

C’était la voie royale de la deuxième moitié des années ’80. On était sensibilisé par Marc Toesca et son TOP 50 vers 12/13 ans, on faisait ses premières armes avec Antoine de Caunes et Les enfants du Rock vers 14/15 ans (émission dans laquelle trempait déjà un certain Bernard Lenoir) puis, vers 16 ans, quand le grand frère se mettait à ramener des cassettes de groupes dont on n’avait jamais entendu parler (aah le premier album des Stone Roses et ses petits citrons), alors seulement était-on prêt à accéder à la musique pas comme les autres le soir sur France Inter. Comme nombre d’initiés avant et après nous, on découvrait Bernard Lenoir et notre vie changeait à jamais. Comment ça on exagère ? Non, non, loin s’en faut, puisque tout découle de là. Certes, on avait bien réussi par nos propres moyens à lorgner du côté du mainstream-rock-qualité-supérieure de l’époque (U2, La Mano Negra) mais rien ne nous préparait à la déflagration monumentale qui allait nous tomber dessus à la découverte de Ride, The House of Love et autres Pixies. C’est bien simple, vingt ans après on a encore en bouche le goût insatiablicieusement exaltant dégagé par cette pleine palette de saveurs. Alors oui, une vie bouleversée, évidemment.

mafia

C’était la voie départementale des années ‘90. On commençait classiquement au lycée en se sentant (étonnement bien) à part avec quelques initiés à échanger les enregistrements de concerts diffusés à l’antenne. On enchaînait ensuite inévitablement guitare à la main dans des groupes estudiantins à rêver d’un jour passer en black session (concert organisé à la maison de la radio et diffusé en direct). A l’abord du monde du travail, alors qu’on était sensé se calmer un peu, on rejoignait la liste de discussion internet non officielle de Lenoir (en aucun cas affiliée directement à lui mais regroupant bon nombre d’amateurs/terroristes de la musique pas comme les autres), endroit à nouveau un peu à part qui permettra à la plupart des membres du présent Cargo de se rencontrer et d’écumer les mers musicales ensemble depuis plus de dix ans maintenant. En résumé C’est Lenoir sur France Inter c’est un peu la mafia musicale, on y est initié par connaissance et impossible de la quitter une fois recruté, même lorsque l’émission a disparu des ondes comme c’est le cas aujourd’hui.

officielle

C’est le chemin de halage des années 2010. Bernard Lenoir n’est plus à l’antenne depuis deux ans maintenant et ça fait bien plus longtemps encore qu’on a arrêté de l’écouter (pauvre de nous) mais l’homme et son œuvre sont loin d’être oubliés. Il nous reste évidemment les black sessions enregistrées avec amour sur cassette à l’époque et numérisées depuis, concerts de nos groupes préférés dans lesquels on retrouve avec plaisir la voix et les petits commentaires de Bernard entre les morceaux. Vient désormais s’y ajouter cette compilation officielle puisque Bernard Lenoir s’est à nouveau associé aux inrockuptibles pour nous offrir les 38 morceaux les plus emblématiques de l’émission. Et du beau monde il y a. C’est bien simple, une bonne partie de notre panthéon personnel avance ici main dans la main, de PJ Harvey à Cat Power en passant par Belle and Sebastian (la liste exhaustive serait trop longue). Guère étonnant me direz-vous lorsque l’on sait d’où on vient mais tout de même. La moitié des artistes ici présents serait à n’en pas douter dans notre propre compilation avec quelques variantes inévitables dans le choix des morceaux (on aurait rarement choisi les mêmes titres à vrai dire) et dans les commentaires du livret puisque notre homme inclut un petit mot sur chaque artiste retenu afin de resituer le contexte (comment ça The Sundays est le groupe d’un seul morceau ? Pfffff). Des heures de discussions stériles en prévision avec nos petits camarades de l’époque si on arrive à remettre la main dessus.

malle

Effet madeleine garanti donc, mais pas que. Et c’est tout l’intérêt au final de ce genre d’exercice. Entre les pépites qui nous parlent instantanément et maintiennent notre attention, on découvre quelques morceaux de groupes que l’on connaissait de nom uniquement et qui nous font presque regretter d’avoir manqué le coche à l’époque. Les Compulsion, Swell, Young marble giants (bizarrement on imaginait un chanteur), The national, tous ces groupes qu’on s’empresse de mettre dans nos tablettes de futures écoutes, mieux vaut tard que jamais. Educatif donc, nostalgisant bien entendu, jouissif souvent, ce disque est le cadeau idéal pour quadras (ou assimilés) qui se demandent bien dans quel carton ils ont bien pu égarer leurs vingt ans. Pour les autres, ceux qui gardent toujours leur malle à portée de main, il ne fera qu’aiguiser leur appétit et leurs interrogations. Car une seule question les hante désormais : quels seraient donc leurs quarante morceaux emblématiques de ces vingt dernières années ? De là à voir fleurir des compilations maison à droite à gauche, il n’y a qu’un pas qu’on ne peut que vous inciter à franchir. Allez, « caresse et bise à l’oeil »3 et tous à vos cassettes !!!4

 

1 « Noisy pop à gogo avec Riiiiide » Bernard Lenoir, retransmission du fabuleux concert du festival des inrockuptibles (1991)

2 « Tiens j’peux remettre une couche moi si tu veux » Bernard Lenoir, première black session des Little Rabbits (1991)

3 « Caresse et bise à l’oeil » Bernard Lenoir, un peu tout le temps (1990-2011)

4 oui, oui, on sait, mp3s !

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publié par le 04/06/13