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publié par gab le 09/10/12
Cat Power
- Sun
Sun

Aaaah, voici enfin Cat Power de retour avec un grand disque personnel et enthousiasmant ! C’est qu’on commençait à trouver le temps long depuis 2003 et l’excellent You are free. Ceci dit, on ne lui en veut pas du tout d’avoir été faire ses expériences à droite à gauche entre temps. Au contraire, cela nourrit forcément sa p’tite dame et on la retrouve avec d’autant plus de joie aujourd’hui pour cet album. On n’est pourtant pas passé loin du hors-jeu aux premières écoutes de Sun (voir notre dossier les artistes féminines de l’automne, une étude comparative avec tout plein de camemberts et d’histogrammes dedans) car Chan Marshall y a été franco dans la rénovation de l’appartement en amenant des rythmes et déhanchés inconnus chez elle jusqu’ici ainsi qu’une touche de machines au dépaysement certain. Dire qu’on a eu du mal à rentrer dans le disque ne serait que la pure vérité et ce malgré un single, "Ruin", qui nous a conquis quasiment d’emblée à la radio cet été. Mais quel bonheur au bout de quelques écoutes, une fois les nœuds volatilisés comme par enchantement, de se laisser ainsi capturer corps et âme.

latino

Si Cat Power, après deux albums un peu trop propres sur eux pour être tout à fait honnêtes, retrouve son aura d’antan c’est qu’elle joue de tous les instruments (allant jusqu’à imiter Iggy Pop de façon très convaincante sur "Nothin but time") et produit l’album elle-même, n’en faisant qu’à sa tête pour notre plus grand bonheur. Tout ça sans retomber dans ses travers dépressifs des débuts, s’il vous plait. Et de fait il s’agit bien de la suite logique de l’esprit frondeur et libertaire de l’album You are free qui à l’époque la sortait de ses carcans minimalistes (dont on était pourtant les plus ardents défenseurs) et venait nous bousculer dans nos petites habitudes. Suite logique côté mental mais aussi côté musical avec en transition un "He war" décomplexé qui ne ferait pas tache sur ce nouvel album. Et parlant de décomplexé, Sun l’est sous toutes ses coutures. Chan Marshall nous met par terre d’emblée avec un "Cherokee" d’ors et déjà mythique alliant la puissance d’un single hypnotique et le bordel intérieur d’une artiste habitée, un cocktail détonant. Elle enchaine avec la transe mystique de "Sun" qui plane tout en gardant une tension très terre-à-terre. C’est la force de cet album d’avoir su tout du long greffer à la base lourde des guitares récursives de la Cat Power qu’on connaissait, des corps étrangers, que ce soit via de l’electro ou des sonorités plus exotiques. Prenez ce rythme latino au piano qui lance le single "Ruin", que vient-il faire là on n’en sait fichtre rien et en même temps le morceau ne serait pas le même sans. Plus que sur You are freeChan parlait beaucoup de liberté tout en restant relativement proche de son style d’origine, Sun franchit le cap et la met en pratique, cette liberté à laquelle on ne peut que s’identifier. De l’importance primordiale de l’esprit insufflé à un disque. La meilleure illustration reste sans doute le morceau "3, 6, 9" qui lorgne gaiment vers le mainstream-autotuno-r’n’bisant tout en se laissant infiltrer par la personnalité hors-norme de Chan Marshall, une réussite aussi franche que surprenante qui ouvre de grands horizons pour la suite.

azimuts

Après quatre morceaux et un sans-faute d’une belle intensité, il est temps de pénétrer au cœur du disque, d’en explorer les zones d’ombre. "Always on my own", "Real life", "Human being", on y est, les musiques se font moins denses, plus subtiles. Chan Marshall laisse affleurer les émotions, toujours contenues, et on se connecte en profondeur. Il faut entendre sa voix sur "Human being" pour mesurer le chemin parcouru depuis le chant torturé des débuts et cette force-douceur tellement habitée. « You’ve got your own voice so sing », si simple, si beau, si évident ? Rien n’est jamais si simple et Cat Power ferme les écoutilles, nous remonte à la surface pour mieux nous hypnotiser ("Manhattan") puis nous réveiller ("Silent machine") avant de nous perdre quelque peu (le très long et un peu usant "Nothin but time"). Ça frappe tous azimuts, on perd un peu le sens de l’orientation voire des réalités, à peu près aussi éparpillé que la psychanalyste aux commandes. Aux limites du monde des rêves, passé l’épiphanie Iggy-Popienne, on retrouve nos pulsions infantiles scandant des na-na-na na-na-na-na ("Peace and love") en sautant partout dans le salon. Hum. Une fin de disque qui peut provoquer des lésions graves, à ne pratiquer qu’avec sa boite de cachets à portée de main.

éclore

Vous l’aurez compris, Sun est un album qui remue en profondeur sans qu’on s’en rende vraiment compte de prime abord. Sans trop comprendre pourquoi, on se retrouve nous aussi à souhaiter être enterré à l’envers ou à laisser éclore notre propre voix. A quel traitement subliminal a-t-on donc été soumis ? Quel delirium tremens nous habite ? Car on vous le disait, on s’est malgré nous laissé capturer corps et âme, et quasiment 20 ans après on est à nouveau en état de dépendance psychologique. Et si on se dit que la maturité aidant on saura mieux gérer, que penser de cette petite voix qui trottine nerveusement d’hémisphère en hémisphère au son d’un obsédant « de grâce, quoiqu’il arrive ne payez pas la rançon » ? Nos cachets, vite !

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publié par le 09/10/12