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publié par gab le 25/05/12
Institut
- Ils étaient tombés amoureux instantanément
Ils étaient tombés amoureux instantanément

La nuit ils pensent souvent à Rachida Dati, nous pas (au cargo on est plutôt Lisa Hannigan à vrai dire) mais en même temps il ne nous viendrait pas non plus à l’idée de déclamer une notice d’installation d’imprimante ou de lire le détail de nos relevés de comptes sur fond musical ... et encore moins de les inclure sur un disque. Vous l’aurez compris, Ils étaient tombés amoureux instantanément, premier album d’Institut, est un O.A.N.I.* en notre époque de plus en plus aseptisée, et ce n’est pas pour nous déplaire. A la fois constat social et politique, voici un album qui décrit notre société de façon décalée mais au final plutôt juste, le tout sur fond de guitares acoustiques et d’électronique intimiste. Parfait pour bientôt "concilier le travail et les plaisirs de l’été".

intrigants

Après une introduction légèrement réductrice, reprenons, Institut ce n’est pas qu’une critique sociale. C’est déjà musicalement l’héritage d’Emma, un de nos groupes cultes de la fin des années ’90, normal me direz-vous puisque le même Arnaud Dumatin emmène/ait ces deux formations hors des sentiers balisés. On est donc en terrain (re)connu, comme lorsqu’on croise un ami d’enfance perdu de vue depuis quinze ans, au début ça fait un peu drôle, il a pris quelques rides, mais rapidement on retrouve chez lui ce qui faisait sa spécificité. On retrouve donc chez Institut ce jeu de guitare qui nous avait tant séduit chez Emma (en plus discret). Cette voix aussi et puis les morceaux courts intrigants qui parsemaient leurs disques. On note bien sur les changements, l’arrivée d’une couche électronique, le passage très réussi aux textes en français. Et puis bientôt on oublie le passé, conquis par l’album étrange que l’on découvre.

manège

Etrange est le moins que l’on puisse dire. Inclassable marche aussi. Un regard sur notre société mélangeant humour à froid et ambiances plus désespérées, passant dans un même morceau de l’intime à la parodie. Chez Institut on peut donc tout à fait dans la même phrase tomber amoureux instantanément et trouver un modèle économique approprié. On peut exprimer son mal-être sur une musique lancinante en début de morceau et siffloter tranquillement alors que défile une liste de termes journalistico-économiques en fin de chanson. On peut imiter avec un sérieux déconcertant les documentaires d’investigation télévisuels. On peut, la nuit, penser à son amie de jeunesse Rachida Dati et sa motobécane customisée. On peut faire à peu près tout ce qu’on veut mais que l’enveloppe soit légère ou inquiétante, au final on évolue toujours au sein du même manège. Et comme dans la vraie vie, on finit forcément à un moment donné par tomber les masques, ce qui nous donne une fin de disque un rien plus âpre.

valises

Passé une certaine heure, Institut laisse donc de côté son humeur joueuse, ses rêves et sa passivité revendiquée pour venir sur le terrain du gel, des algues vertes et des déchets industriels. Oui, Institut s’active et passe sa soirée à jeter des valises pleines de vieux métaux sur le bonheur des passants, voire à se baigner dans de l’huile de vidange. Tout de suite ça pourrait jeter un froid, la roue bien huilée du manège qui se grippe comme ça, mais loin de mettre à mal nos ardeurs, ces morceaux s’avèrent en réalité passionnants. Et si le sombre sied particulièrement bien au groupe, la tension le révèle. Institut se débat alors dans l’envers du décor, lutte pour rompre l’enchantement, sort des rails et trouve ses réponses reclus au pied de la falaise, la course poursuite achevée.

directives

Ce qui nous ramène évidemment à notre propre point de départ. Quand sortons-nous à notre tour de notre absence à nous même, de notre passivité de fait ? Quand trouvons-nous nous aussi les réponses à nos questions ? Veut-on vraiment d’une vie « raisonnable, conforme à la loi française et aux directives européennes » ? Micro ou macroscopique, le sujet est d’une actualité brûlante en tout cas.

 

* Objet Audio Non Identifié bien sûr

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publié par le 25/05/12