accueil > articles > lives > John Parish

publié par Mélanie Fazi le 15/03/13
John Parish - St George's Bristol, Bristol; Royaume-Uni - 14/03/2013
St George's Bristol, Bristol ; Royaume-Uni

Un compte-rendu de concert est toujours éminemment subjectif, celui-ci le sera peut-être plus encore que d’habitude. Parce que la matelote qui vous parle a fait le trajet jusqu’à Bristol (bravant intempéries et risques d’annulation) pour assister à la première de cette tournée. Parce qu’elle a suivi de près les divers projets de John Parish depuis une quinzaine d’années, beaucoup écouté l’album Screenplay consacré à ses musiques de films (à sortir en avril) pour une chronique à venir, et vu une grande partie des films concernés. Mais à en juger par les échanges entendus en sortant du concert, le projet a divisé le public. Non pas la musique ou la performance des musiciens, qu faisaient l’unanimité, mais les projections qui accompagnaient le concert. Certains sont restés totalement en dehors, ou ont eu le sentiment de se laisser distraire du concert par les images. D’autres, et j’en suis, se sont laissés captiver passé un début un peu déroutant. Ce compte-rendu sera donc, plus encore que d’habitude, le reflet d’un ressenti personnel.

Osmose 

Le concert s’articule autour d’un dispositif particulier : un écran est installé derrière les musiciens. Le groupe habituel qui accompagne John Parish (Marta Collica au clavier, Giorgia Poli à la basse, Jean-Marc Butty à la batterie) est complété par Jeremy Hogg à la guitare ainsi que par les chœurs de Tammy Payne sur deux morceaux. Sur l’écran défilent des montages d’extraits des films dont ils interprètent la bande originale, entrecoupés de passages sous-titrés. Il faudra le temps de quelques morceaux pour entrer pleinement dans le concert, pour trouver plus précisément une façon de réagir à ce dispositif. On peut décider de faire abstraction de ce qui se passe sur l’écran pour se concentrer sur le groupe. On peut au contraire voir le concert comme un dialogue entre la musique et les images, chercher des liens, se laisser cueillir par des émotions parfois surprenantes. Elles sont souvent liées au rapport que l’on entretient (ou non) avec les images projetées, ou ce que l’on choisit d’y lire. L’un des grands moments du concert aura été pour moi d’entendre le thème du générique de fin de Rosie de Patrice Toye, film imparfait mais attachant, dont la bande-son reste peut-être l’une des plus belles choses qu’ait composées John Parish à ce jour – d’entendre ce sublime générique, de revoir en gros plan la bouille de la petite Rosie, ado paumée née d’une mère trop jeune, dont on revit en concentré les rêves et illusions qui vont la pousser à commettre une grave erreur en toute candeur. De se rappeler les émotions liées au film et de se retrouver soudain émue, profondément, jusqu’aux larmes. Tirée de Rosie également, la chanson « Pretty Baby », interprétée à l’origine par Alison Goldfrapp et ce soir par Marta Collica, fut un autre splendide moment. Il reste, quatorze ans après, une magnifique osmose entre les images de Patrice Toye et les sons dont John Parish les habillait.

Minotaure 

À d’autres moments, on redécouvre sous un nouvel angle des scènes de films qu’on n’appréciait pas forcément. Comme Nowhere Man de la même cinéaste, film sur la crise de la quarantaine où un homme plaque tout pour refaire sa vie, et n’en fait finalement pas grand-chose. Mais ces montages de scènes éparses, sorties du contexte initial, intriguent et donnent envie de revoir certains passages oubliés entre temps. Les extraits de Little Black Spiders encore inédit chez nous, et qui fournit les plus beaux moments de l’album Screenplay, intriguent par moments, envoûtent à d’autres, donnent en tout cas une furieuse envie de découvrir ces sons, ces images, dans leur contexte de départ : celui de l’histoire d’un groupe d’adolescentes enceintes que l’on cache dans un grenier en attendant leur accouchement puis l’abandon des bébés, à une époque où l’avortement est interdit. Notamment « The Minotaur (Part 2) » souligné par les chœurs célestes de Tammy Payne et Giorgia Poli, accompagné des images d’un jeu étrange ou d’un rituel, on ne sait pas trop, auquel se prêtent les jeunes filles costumées.

Recueillement

Les ambiances sont envoûtantes, presque oniriques parfois. Les musiciens sont concentrés, plus en retrait que d’habitude, adoptant parfois une attitude proche du recueillement. Ils se lâchent cependant sur les morceaux les plus rock, tout en stridences électriques et guitares saturées : « Li Mei makes a break » extrait d’Une chinoise, ou encore « L’Enfant d’en haut », tiré du film éponyme, qui clôture le concert sur un crescendo splendide.

Le concert aura sans doute été inégal, du fait de sa structure particulière et parce qu’il s’agissait d’une première : certains montages fonctionnaient mieux que d’autres, le spectacle n’est pas encore rôdé et il faudra peut-être quelques ajustements. Mais la procédé était hors norme, sans aucun doute, et ne laissait pas indifférent, comme le reconnaissaient même les spectateurs moins convaincus. Pour qui se laissait prendre au jeu, l’expérience en valait la peine. Le moment d’émotion intense ressenti pendant le générique de Rosie l’aurait justifiée à lui seul. On en ressort encore plus admiratif du splendide travail accompli par John Parish ces quatorze dernières années en matière de bandes originales de films, et du bel aperçu qu’en donne cet album, Screenplay, à paraître le mois prochain. Un album qui se mérite, sans doute, mais qui vous en récompense au centuple.

 

Partager :

publié par le 15/03/13