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publié par Mélanie Fazi le 18/01/12
Sherlock - Saison 2
Saison 2

Dans une chronique récente consacrée à Doctor Who, nous vous faisions part de notre admiration (presque) sans bornes pour le scénariste Steven Moffat, malgré quelques faux pas que nous lui pardonnons bien volontiers. Entre deux saisons des aventures du Docteur, la curiosité nous a poussés vers ce Sherlock dont d’autres fans de Moffat et de séries britanniques nous parlaient avec des trémolos dans la voix. À juste titre, décidait-on dès le premier épisode.

Numérique et génétique

La diffusion de la deuxième saison vient de se terminer sur la BBC. Si toutefois on peut vraiment parler de « saison », chacune ne comportant que trois épisodes d’une heure et demie. L’idée de génie de Steven Moffat et de Mark Gatiss, autre transfuge de Doctor Who, ce n’est pas seulement d’avoir modernisé les aventures de Sherlock Holmes : ce ne serait ni la première, ni la dernière fois. C’est plutôt de l’avoir fait en refusant de sombrer dans le gadget et l’artifice. Chaque épisode est une adaptation plus ou moins libre d’un texte bien précis. Ce que Moffat et Gatiss ont compris mieux que personne, c’est que la modernisation ne consiste pas simplement à habiller un héros classique d’un costume contemporain : c’est toute la logique interne des histoires qu’ils retravaillent en profondeur. On est ici à l’ère du numérique et d’Internet, autant d’éléments qui sont intégrés aux intrigues. John Watson tient un blog sur lequel il raconte les enquêtes qu’il mène avec Holmes, les téléphones portables deviennent à plusieurs reprises des indices cruciaux, et l’épisode “The Hounds of Baskerville” évoque les manipulations génétiques. Visuellement, la série est d’une inventivité réjouissante dès qu’il s’agit de mettre en scène ces éléments modernisés, affichant des SMS à même l’écran ou détaillant sous nos yeux le processus de réflexion de Holmes sous forme de mots qui défilent ou s’entrecroisent.

Autiste

L’autre trait de génie, c’est d’avoir confié le rôle à Benedict Cumberbatch. On est ici à des lieues du flegme britannique d’un Jeremy Brett qui l’incarnait dans une autre série mémorable. Cumberbatch est un Holmes odieux et brillant, quasi autiste, qui refuse de se plier aux règles de la société ordinaire qu’il toise avec mépris. Ses monologues débités à vitesse grand V chaque fois qu’il réduit une personne ou un lieu à une série d’indices à déchiffrer sont particulièrement jubilatoires. On admire d’autant plus Martin Freeman, à ses côtés, d’arriver à incarner un Watson très humain sans se laisser éclipser. Le duo fonctionne particulièrement bien, avec toute l’ambiguïté que lui prêtent les autres personnages qui s’interrogent constamment sur la nature exacte de leur relation.

Du côté des anges

Si la deuxième saison nous a paru supérieure à la première déjà impressionnante (mais inégale), c’est peut-être parce qu’elle comporte deux épisodes d’anthologie où Holmes affronte des personnages qui lui ressemblent. Dans “A Scandal in Belgravia”, c’est la sulfureuse aventurière Irene Adler, qui l’embarque dans un jeu du chat et de la souris chargé de tension érotique. Un personnage haut en couleurs pour un épisode particulièrement brillant. Dans “The Reichenbach Fall”, c’est Moriarty, génie du crime qui voit en Holmes la seule personne capable de l’égaler, et donc le seul rival digne de ce nom. Outre son intrigue habile, l’épisode vaut surtout pour cette confrontation, jusqu’à un dialogue mémorable où Moriarty reproche à Holmes de se mêler aux gens ordinaires dont il méprise la médiocrité. « I may be on the side of angels, lui répond Holmes, but don’t think for one second that I am one of them. » Il y a quelque chose de fascinant et de terrifiant à la fois dans la rencontre de ces deux esprits inhumains, ces deux machines, conscients d’être chacun l’exact reflet de l’autre. Un épisode également poignant par le doute insidieux qu’il sème chez Watson, contraint de s’interroger pour la première fois sur ce qu’est réellement son ami.

Canon

Une autre des qualités de Sherlock, c’est de s’adresser aussi bien aux spectateurs novices qu’aux experts de Conan Doyle. Chaque histoire se suffit à elle-même, mais pour les connaisseurs, s’y ajoute le plaisir d’étudier de plus près le travail d’adaptation. N’étant pas nous-mêmes de grands experts en canon holmésien, nous nous fierons aux avis extérieurs qui semblent indiquer que le matériau d’origine y est traité avec autant de finesse que de respect. Y compris lorsque des libertés conséquentes sont prises avec les intrigues. Une troisième saison vient d’être annoncée ; on l’attend déjà en piaffant d’impatience. Les trois épisodes récents nous confortent en tout cas dans l’idée que les séries les plus réjouissantes du moment sont souvent britanniques.

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publié par le 18/01/12
Informations

Sortie : 2012
Label : BBC