Non, vous n’avez pas rêvé, le Cargo organisait la semaine dernière, et pour la 6e année consécutive, sa petite fête de la musique privée dans son jardin privé avec son public privé. Un événement d’importance mondiale accessible sur invitation uniquement, histoire d’en faire le must annuel de la hypitude parigote [et ce malgré l’infiltration surprise de réfugiés melunais attirés, on s’en doute, par le doux chant du saucisson (ce qui ne peut que nous alerter sur la faiblesse du service d’ordre ce soir-là)]. Vous l’aurez compris, il est des jours comme ça où rien ne peut venir gâcher la fête. Des jours, par exemple, où le mauvais temps qui s’était acharné jusqu’ici, et nous était promis en journée par Météo France, demeure étonnamment clément. Des jours où nous prend l’envie de couvrir l’événement avec tout ce que le cargo compte d’ (excellents) photographes/vidéastes/chroniqueurs [si on avait plutôt bien couvert l’événement pour la 2e édition (2009) avec galeries photos et compte-rendu à la clé, on s’est quelque peu laissé aller depuis (la rumeur courant même que certains membres de l’équipage auraient carrément séché le rendez-vous plusieurs années de suite, un scandale !)]. Des jours enfin où l’on se doit de clamer haut et fort le miracle de la musique selon le cargo, rien moins, et de chanter ensemble (mes frères) « Êh yé yé ! Êh yé yé ! ».
Mais ne sautons pas les étapes et suivons le chemin musical de cette soirée exaltante.
C’est le duo intimiste folk June & December qui ouvrait donc le bal. Douceur et délicatesse à l’image de ce fabuleux nom de groupe et des deux morceaux disponibles sur le net qui laissaient présager du meilleur. Et ils s’en sortent plutôt bien. Douceur/délicatesse et fête de la musique ne s’accordant pas forcément à l’unisson, ils réussissent à capter un auditoire pourtant plutôt causant et chipsant à la base. On attend la suite de leurs aventures avec intérêt.
Après une session cargo incroyable, on était ravis d’accueillir M a r y s e, sans sa tribu mais avec ses peintures ethniques, pour un set toujours aussi original harpe-violon. Pour le coup, nos petits bouts de jumelles réalisent l’exploit d’accrocher le public avec une musique vraiment pas évidente au premier abord, on est très loin du couplet-refrain standard. Comme quoi un univers très personnel et habité ne peut qu’intriguer et embarquer l’auditeur.
Et parlant d’univers, c’est bien ce qu’il manquait hélas ensuite à Madame pour vraiment retenir notre attention. Les hommes en duo guitare-ukulélé qui fonctionne plutôt bien, les femmes en duo chant quelque peu exaspérant qui dans son genre retient l’attention. Sans l’image, ça passe certes un peu mieux - allez, ça se laisse même carrément écouter - mais un peu plus de présence et d’inspiration auraient été les bienvenues. Ça aura en tout cas eu le mérite de nous ménager une petite récréation, et c’est important les pauses, aussi.
D’autant plus important que la première vraie grosse claque de la soirée se dessinait à l’horizon, il s’agissait de se laisser cueillir par surprise comme il se doit. Et Pagan Poetry d’entrer dans nos vies pour longtemps sans doute. C’est bien simple, rien que par son regard et son énergie, en 30 secondes Nathalie Réaux nous déconnecte complètement de notre environnement et nous embarque dans un voyage inoubliable. Il y a certes beaucoup de Björk chez Pagan Poetry (ne serait-ce que dans le nom du groupe et la très belle reprise acoustique d’ "Unravel") mais l’influence est suffisamment maîtrisée musicalement et vocalement pour ne rien écraser sous son poids. C’est même le contraire qui se produit, cette référence omniprésente sert de fantastique tremplin au groupe (clavier, percussions, violons) et à la voix. A suivre impérativement de très près dans les mois à venir.
Petite pause à nouveau pour se remettre de ses émotions avec Watine et son piano. Ce n’était peut-être pas le moment le plus judicieux pour un contenu poético-légèrement-torturé comme celui-ci, trois morceaux sont amplement suffisants, convenons-en.
Heureusement Idriss El Mehdi, de son sourire et sa pêche communicatifs, était là pour invoquer l’esprit de la fête de la musique et relancer le show. Si on n’avait pas été dans la musique-à-hochage-de-tête jusque-là (mais si vous savez celle où on se tient le menton pensivement en remuant la tête de haut en bas), on était tout de même loin de la foule en délire. D’une tchatche impeccable (en deux temps trois mouvements il embauche trois musiciens des autres groupes pour taper le bœuf) et d’un magnifique instrument de musique (un guembri, guitare africaine à trois cordes en boyaux de chèvre), notre homme fait battre le rythme, chanter et bouger sur des musiques traditionnelles un public qui ne demande visiblement que ça. Et on ne vous parle même pas de sa reprise à la cloclo-cette-année-là du "Talking bout a revolution" de Tracy Chapman. Un régal. Tout comme cette vision réjouissante du plaisir simple que peuvent prendre des musiciens à jouer ensemble. Un moment unique.
La soirée se clôturait pour nous et pour une bonne partie du public avec Tue-Loup (même si Malvina Meinier allait jouer ensuite devant un parterre qu’on image bien plus clairsemé), un de nos groupes fétiches de la fin des années ’90. Groupe auquel il faut l’avouer on accroche un peu moins depuis dix ans maintenant mais qu’on était bien content de revoir en live dans une ambiance nettement plus recueillie et pour une formule deux guitares - deux chants. L’occasion de retrouver le poignant "Kaj Maj" de La bancale, de voir relevées les compositions du groupe d’une présence féminine tragistrale et bien sûr, pourquoi se refuser un petit plaisir, d’admirer la superbe guitare de Xavier Plumas.
Voilà. C’était comment réussir avec deux pots de peinture et une bouteille de rouge une fête de la musique cargo. Ajoutez à ceci les prestations off proposées pour le bonheur du public : le grand jeu des T-Shirts des Stone Roses (oui d’accord ils se sont reformés l’an dernier mais quand même, deux T-Shirts recensés pendant la soirée, ça fait un pourcentage non négligeable vu le nombre restreint d’invités), les apparitions savamment orchestrées de notre amiral au balcon avec son port de tête royal pour recevoir dignement les remerciements des groupes invités, les teasers classiques du groupe-qui-viendra-sûrement-et-qui-n’est-pas-venu-mais-si-en-fait-t’étais-déjà-parti (cette année c’étaient les French Cowboy qui s’y collaient), l’insidieuse nouveauté de l’artiste-qu’on-adore-qui-vient-finir-la-soirée-dans-le-public-mais-qui-ne-joue-pas (Kaaaaaate !!!!!) et puis les enfants qu’on embarque de force à 1h du mat’, les yeux dans les chaussettes, sur un air de « ooooh noooon, déjà ? ». Décidément, ça nous avait manqué !
Très bon compte-rendu, même si Gab a parfois la dent un peu dure.
Personnellement j’ai beaucoup apprécié les 3 morceaux de Watine.
S’agissant de *Pagan Poetry* et d’Idriss El Mehdi je partage à 200% : deux très grands moments dans la soirée. Nathalie, nous croyons en toi !
Que ceux qui ont loupé Malvina Meinier s’en mordent les doigts.
Ils ne pourront pas dire "j’y étais"...nous si ! Cette jeune femme est un prodige.